


ART-THERAPIE ET DESERT
De mes cinq séjours dans le désert saharien, je voudrai raconter comment ce lieu unique, lumineux, riche a favorisé ma transformation.
Tout d’abord j’ai expérimenté que le cadre, indispensable et incontournable est essentiellement incarné, porté et symbolisé par la personne du thérapeute, ici Yamina Nouri. Dans le désert, le cadre n’est pas matérialisé par des murs, une salle d’attente et pourtant chacun en fait l’expérience. Et ce, malgré l’immensité et la liberté que le désert offre au regard, à l’imaginaire, au désir. Et dans ce lieu totalement minéral, en apparence, se déploient tout les possibles.
Dès le réveil, la créativité de chacun est sollicitée et au cours de la journée tous les arts sont à l’œuvre : rêve, écriture, conte, poésie, dessin, peinture, photographie, musique, chant, danse et mascothérapie. Et créer un masque avec seulement les ressources trouvées dans le désert relève toujours d’un prodigieux défi à l’imagination. Et quelle fascination lorsque chaque année autant de masques différents, magnifiques et opérants sont mis en scène dans ce cadre d’une beauté inouïe avec des couleurs de ciel que je n’ai vu nulle part ailleurs.
La pratique quotidienne de l’art thérapie dans le désert permet toutes les régressions et transformations. Même ce cher Œdipe y trouve une résolution particulière grâce à la présence des Touaregs, Seigneurs du désert. Des hommes virils, qui pendant tout le séjour nous véhiculent, nous guident dans les longues marches, cuisinent, veillent sur notre sécurité, nous protègent et le soir à la veillée se transforment en musiciens et chanteurs avec une musique qui dans la nuit étoilée, éclairée par la lune, devient intemporelle.
C’est avec « le module désert » du MAT que j’ai beaucoup appris sur moi-même, que je me suis confrontée à mes résistances, que mes limites m’y sont apparues aveuglantes et que j’y ai aussi développé et ma force et mon humilité.
Certains des compagnons et compagnes de voyage sont devenus des amis avec cette couleur particulière du désert partagé.
Comme cette messe dans la petite chapelle du Père Charles de Foucault un matin de janvier, ou ce bain pris dans une guelta ou encore cette escalade de la plus haute dune du Sahara. Le désert est le lieu du rendez-vous idéal du soleil et de la lune et là ils rivalisent pour nous éblouir de l’aurore au crépuscule. Goûter à tant de beauté, la partager dans le silence ou dans la joie et se remémorer au retour ces moments de grâce tissant des liens incomparables. S’endormir à la belle étoile, en comptant non pas les moutons mais les étoiles filantes et s’éveiller à l’aube dans le désert crée finalement une espèce d’addiction je le crains ! L’intensité des sensations et des émotions éprouvées, la solitude et l’énergie puisée dans le désert ont été pour moi des accélérateurs de croissance psychique.
Ainsi lorsque je rentre en France, soudain en regardant par la fenêtre, d’où je vois la Seine paisible, il me semble qu’il y a « trop » de tout : trop d’eau, trop d’arbres, trop de constructions, trop de voitures etc.
Après un séjour dans le désert je prends conscience du travail d’érosion, du polissage, des mises à nu pour aller à l’essentiel et sans bien m’en rendre compte, je me suis allégée et débarrassée de l’inutile si indispensable encore ici…
Maintenant j’ai parfois ce plaisir, ce luxe devrais je écrire, d’y revenir comme dans un autre chez moi et même de reconnaître certains endroits du désert déjà traversés, anciens bivouacs, roches sculptés inoubliables… Et l’année dernière j’ai ainsi retrouvé un arbre, sujet d’une aquarelle, et cela a été comme de retrouver dans cette immensité un vieil ami ! Et encore tant d’autres richesses à découvrir, des messages anciens à explorer, signes légués par nos ancêtres et qui témoignent que ce désert a été autrefois un paradis luxuriant.
Pour terminer je citerai Ourida Nekkache : « Pour sillonner le désert, porte tes plus beaux atours. Au moment où tu franchis sa porte, il peut te rendre comme il peut te prendre ».
Bule CAPTUS