



AU CLAIR DU P¨RINTEMPS UNE FEUILLE D'AUTOMNE
Caché derrière cette roche épaisse, un filon clair invite à plonger dans l’eau douce.
Chut ! Trouver la clé et entrer !
Décrire l’ambiance feutrée de ce cocon. Fermer les yeux et imaginer.
Imaginer à rêver une vie printanière et espiègle.
Dans leurs jeunesses, pétales au vent, bleuets et jonquilles virevoltent dans les champs.
Insouciantes, les tiges légères se courbent en une onde suave. Dans leurs arabesques insolentes, elles découvrent en un frôlement l’immensité du monde.
De ci de là un papillon, une fourmi, un oiseau. Tiens un escargot !
Dans une étreinte soyeuse, rencontrer le blé, caresser la terre, « flirter » en douceur avec la mousse humide. Partager en sa force, la sagesse massive du chêne s’épanouissant à l’ombre de son silence.
Une frondaison de terre abrite discrètement à ses racines un fourmillement incessant, mouvement de la vie.
Au loin, l’eau de la rivière court naïvement au pied du peuplier. Là, le ponton de son bois nous ouvre le chemin de nos cœurs. Le soleil dans sa présence efface l’empreinte de nos passages. Seules les silhouettes de nos parfums dansent dans les joncs.
S’aventurer sur les rives de la vie.
Mystère en ses berges, une feuille d’automne perdue dans le temps s’échoue sur le parquet fleuri du printemps.
Sur un coussin de lin, la vie éphémère s’échappe de ses fragiles nervures.
Bientôt dans l’arrogance des bourgeons gorgés des prouesses verdoyantes à venir, elle s’éteindra pour ne plus être qu’une brindille insolite, égarée là dans cet océan de verdure.
Plus qu’une seconde d’éternité et elle mourra pour la deuxième fois sur le plateau chaud du bois embrassant la rivière.
Ponton des amoureux, scrutant au clair de lune en leurs yeux brulants la flamme de leur passion. L’automne s’achève dans une pause, là juste au dessus de la rivière, au pied du peuplier.
Ses racines tressent des méandres par millier. Parterre imaginaire dans quel pays nous emportes-tu ?
Au bord du printemps, temps ensoleillé et frais, les promeneurs déferlent sur les rives du fleuve. Lui perdu dans sa romance se penche dans une absence sur ce témoin venu d’un autre temps.
Fragile trésor. Au creux du printemps tenir l’automne en sa main. N’est ce point là, la croix de son errance ?
La nature lui murmure sa vie.
Où qu’il regarde il se voit. Où qu’il aille, il se mire.
Autour de lui, tout pétille et s’anime.
Comme une évidence, pourtant dans son cœur raisonne le squelette fragile et sec cueillit dans cet instant.
Dans un souffle chaud et généreux, guider cette feuille d’automne dans son dernier voyage. Une valse tendre et câline l’entraine délicatement au-delà des prés et des champs.
Dans l’enclos froid de son linceul, l’automne s’en va.
Une croute épaisse craquelle sous les pieds. Un enfant se dresse. Il fait ses premiers pas. Cacher derrière cette roche épaisse un filon d’eau fraiche l’invite à plonger dans la vie.
L’automne a disparu
L’automne n’est plus.
Sandrine SERRES