



CREER A TOUT PRIX
J’anime un atelier depuis trois ans dans une association d’arts plastiques, il a pour seule prétention d’être un lieu d’expression créative : c’est ainsi qu’il est présenté aux parents et aux membres de l’association. Il présente la particularité, par rapport à d’autres ateliers du même type, de proposer aux enfants différents matériaux pour cette expression créative.
Mais mon ambition à moi est d’en faire, si possible, un lieu de prévention des névroses, qui permettrait à ces jeunes apprentis d’expérimenter dans l’acte créateur des vérités existentielles, qui les aideraient maintenant et plus tard à affronter l’acte de vivre.
Dans cette optique, il m’a fallu prendre conscience que je m’intéressais tout particulièrement aux enfants qu’on appelle « handicapés » et que mon désir, dans le cadre de ce travail, est non seulement qu’ils apprennent à communiquer, à trouver place dans un groupe, à exprimer des émotions, mais aussi qu’ils récupèrent, qu’ilsse récupèrent. Je suis très attentive à leur fournir des matériaux « récupérés », dont j’ai éprouvé moi-même le pouvoir à travers mes rêveries et mes propres créations.
Je cherche à garder avec mes petits stagiaires le regard même que m’inspire la nature : cette idée que tout est en place, que tout acte, toute création, toute qualité de présence porte du sens, un sens qu’il n’est pas forcément nécessaire de décrypter clairement. Il faut juste le saisir par éclairs, puis le laisser s’échapper, pour que secrètement, il retrouve sa liberté et se développe autrement. La communication que je cherche à mettre en place avec mes patients se situe essentiellement au niveau de la poésie. Je leur apporte pour leur travail et leurs créations des objets et des matières de récupération, qui véhiculent déjà pour moi-même une expérience poétique et que je leur livre - à découvrir, à transformer - pour leur devenir, en guise de nourriture de l’âme.
Quelle direction suivre ? Qu’est-ce que mon métier ? Art thérapeute ? Accompagnatrice d’art transformationnel ? Je ne sais pas.
« La vie n’est qu’un passage, sur ce passage, au moins, semons des fleurs » disait Michel de Montaigne.
Mes fleurs à moi sont des objets de récupération.
Françoise LEMERCIER