



UNE JOLIE RENCONTRE ECRITE
En mai dernier, plusieurs art-thérapeutes du MAT sont intervenus lors d’une opération menée par un collectif d’associations accompagnant des personnes endeuillées de tout-petits, dont « L’enfant sans nom » avec qui nous avons travaillé plusieurs années. J’aimerais partager une jolie rencontre que nous avons faite dans le train. En effet, durant le voyage, nous potassions nos ateliers et nos conversations supportèrent quelques digressions. Nous avons évidement parlé de la problématique des parents endeuillés, de l’élaboration de nos ateliers, mais également de mythologie, ou des expositions et spectacles en cours à Paris. Cette conversation cheminait au gré des paysages qui défilaient à nos côtés. Lorsque ces derniers se firent plus urbains, signant notre arrivée, un homme se présenta à nous, dans l’étroite allée du wagon, confiant que son oreille avait été attirée par des bribes de nos conversations, concerné de prêt par le sujet du deuil parental. Au gré des mots qui arrivaient vers lui, il se mit à écrire et eut la gentillesse de me faire parvenir son texte, retravaillé par la suite. En témoignage de cette créatrice complicité, et avec son autorisation, je confie ce cadeau précieux à la Lettre du MAT afin que ce beau texte soit livré au monde.
Mylène BERGER
LA MORT N'EST JAMAIS UN THEOREME
Quand mon enfant est décédé, la Mort m'est apparue
et bien qu'ayant, contrairement à ce que l'on pense,
un air ordinaire, des yeux ordinaires,
un regard ordinaire, boucles et lunettes,
je l'ai reconnue
comme la moitié devancière de moi-même,
Elle est entrée dans le sarcophage puis en est ressortie ;
elle s'est allongée tête relevée, flottant
à côté de la barque des vagues éternités, sur les tiges
de la brise parmi la jonchaie.
Les clochers, les hauts lieux ont dessiné
sur le vélin de ma croyance un petit sépulcre.
Et le vent frais m'a fait espérer, pour sa destinée,
des cieux élargis à la mesure de l'enfance.
Ma fille avec ses longues jambes
arpente, accompagnée, le tunnel de la mort.
Voit-elle, de la vie, les choses désassemblées ?
Mais non, elle n'a pas la paupière de la mort-dans-la-mort ;
Elle n'a pas la prunelle ternie comme le tain du miroir
des choses défaites et défuntes
Je la devine avec un regard de cyclope,
toisant les ruelles de Corinthe
sondant les drames de Thèbes
et jetant les corps de femmes ivres
dans les douves de notre château
(puisque vivre n'est que cruauté
se soldant par le massacre ou l'ivresse)
Mais non sa paupière ne s'ouvre pas
sur le regard d'effroi, et sous sa voûte
n'existe nulle statuaire ayant la pupille d'argent
qui, en quelque siècle, de l'orbite lui tomberait
celui-ci, potentat, celle-là possessive
perdent-ils un peu de leur pouvoir, ou de leur séduction ?
Ils meurent un peu, et avec eux, plutôt que d'en profiter pour vivre,
décèdent un peu ceux qui les subissaient.
Le ton est tragique
De quoi me mêlé-je ? De Médée ?
Dans la boîte aux enfants, je ne glisse
qu’un mot,
Un verbe en langue étrangère !
Sa saumure saura-telle dissoudre
et le couteau et le saloir ?
Ou bien les transformer en une grande jarre
à la bouche ouverte
qui pourrait boire le bleu du ciel ?
Ce ciel dont on parlait …
Le ton est tragique ; aura-t-il injurié
Médée, sa mère ?
Aura-t-il provoqué le roi de Thèbes ?
De rien le masque de comédie
ne l'aura protégé !
Le ton est tragique
Mais vivre dans les interstices
Me préserve de la chute...
La furieuse se tient-elle
au pied de la margelle ?
la deuxième marche n'est pas céleste !
Elle a le regard ourlé de noir
et sans doute cela ressemble-t-il
à la flaque où se mire Narcisse !
De rien le masque tragique
ne nous aura protégés, êtres
A l’entropie ananthropique,
Etres à l’empathie
si pathétique !
J.F.M