


Mme JX nous émeut toujours dans ses témoignages car ce qu’elle nous fait toujours entendre dans son intime laisse à voir comment son cheminement s’articule autour des thèmes : « être une mère suffisamment bonne » et le respect de son être à elle. Car vivre avec un enfant qui porte une maladie psychique peut rapidement entraîner un parent à être dans le trop ou pas assez, ou encore à s’oublier et à ne dédier sa vie qu’à cet enfant en difficulté.
Mylène BERGER
Septembre 2013 - Texte de Madame JX
Dès sa conception ma petite fille n’a pas eu de chance. Chacune de ses cellules contient une anomalie : sur un chromosome il manque une petite partie.
A sa naissance rien ne se remarque. Quelques jours plus tard le médecin soupçonne une grosse malformation cardiaque : une communication entre les deux ventricules, comme une déchirure dans sa vie et dans la nôtre. Je pleure, je suis révoltée, mon enfant va souffrir.
Mais cette enfant veut vivre, elle va se battre avec courage. C’est un bébé très sage, fatigué sûrement. Puis une petite fille très douce et câline. Elle est très lente et les apprentissages sont retardés. Mais je pense que c’est normal vu sa fatigue.
Après l’opération, son coeur étant réparé, elle n’ira pas plus vite pour faire les choses et à l’école elle aura bien des difficultés.
Mais elle est très docile et travailleuse. Je passe des heures à la faire travailler, à expliquer et à répéter les mêmes choses. Quelquefois je perds patience car je n’arrive pas à lui faire comprendre.
Petit à petit, il me faudra, avec elle, faire le deuil des longues études, puis de l’insertion dans le monde ordinaire du travail. Mais ce qui me fait le plus de peine c’est de constater le rejet des autres à cause de son comportement souvent inadapté aux situations. Que de larmes versées ! Je la console en lui disant que je n’aimerais pas avoir une autre fille qu’elle. J’admire son courage, sa ténacité, sa gentillesse malgré tout.
Je suis heureuse quand elle réussit quelque chose après tellement d’efforts : son BEP, son permis de conduire, son premier CDI en atelier protégé, son autonomie.
Mais tout cela va être remis en cause par cette maladie psychique que je n’ai pas vu venir : ce lent poison... Tout ce que j’aimais chez mon enfant semble absent. Je ne vois plus de volonté, ni de ténacité. Sa gentillesse a même par moment disparu.
Je dois apprendre à l’aimer autrement, peut-être à l’aimer vraiment, sans rien attendre en retour. Apparemment, plus rien à admirer chez elle, si ce n’est son courage pour affronter toute cette souffrance : cela m’inspire le respect.
Malgré tout je suis confiante envers son médecin qui fait tout pour la soulager et j’espère que la médecine va encore faire des progrès.
Mais je suis inquiète de l’évolution de la société. Lorsque j’entends des expressions comme « suicide assisté » j’ai envie de crier : « Surtout n’ouvrez pas cette boîte de Pandore ». On ne pourra plus la refermer, les dérives arriveront, les mentalités changeront (on entend déjà bien des réflexions sur nos enfants malades). Et un jour, quelque personne bien intentionnée pourrait bien faire sentir à mon enfant que sa vie si souffrante n’est plus digne d’être vécue, qu’il vaudrait peut-être mieux que…
Pour moi, mon enfant restera TOUJOURS digne d’être soignée et aimée quels que soient son état et son degré de dépendance.