


Comme chaque mois, il vous est offert en témoignage un écrit de parent d’enfant malade psychique. Nous verrons dans celui-ci combien la maladie psychique vient s’inscrire au milieu des reproductions, des peurs, et comment peut-être fait l’aveu du « trop » sans pour autant pouvoir y remédier face aux immenses difficultés provoquées par la maladie psychique, cette maladie si peu compréhensible au regard de tout parent.
Mylène Berger
Novembre 2013
Texte de Mme N.
Il y a 67 ans, naissait une petite chose, une petite rien qui ne devait pas vivre, qui a eu le spectre de la mort rodant chaque jour autour d’elle jusqu’à l’âge de ses 10 ans.
Elle a vécu et, bravant la médecine et les lois de la nature, ne pouvant enfanter, après bien des souffrances, miracle ! Elle a mis au monde un tout petit être de 1, 600 Kg et 42 cm, tout chétif, si fragile qui, lui, grand prématuré, a eu aussi pendant plusieurs mois, surtout les 3 mois en couveuse, la mort qui rôdait.
Lui aussi a vécu et cette petite rien de maman, qui n’était pas du tout prête pour s’occuper d’un si petit être trop fragile, a senti la peur et l’angoisse la saisir et ne plus la quitter.
Peut-être l’a-t-elle transmise à son petit garçon ? Coupable ?
Elle a fait ce qu’elle a pu, mais dans son for intérieur, elle voyait bien, elle sentait, elle se rendait compte que, comme elle l’avait entendu pour elle-même, ce petit garçon si blond aux yeux si bleus n’était « pas comme les autres ».
Il ne pleurait pas, ne réclamait jamais, ne bougeait guère, il avait peur de tout et de tout le monde, mais pour elle il vivait et il allait faire sa vie comme tout le monde.
Ce monde cruel lui répétait : « Il a quelque chose, il n’est pas normal ».
Elle, elle le choyait, le couvait, trop peut-être ? Coupable ?
Il est devenu un garçon qui a quitté l’école, qui était dolent, les yeux souvent dans le vague.
Un homme qui ressemblait encore à un petit garçon, qui ne faisait rien, même pas son lit.
L’avais-je mal élevé, moi qui étais, qui suis encore à l’intérieur une gamine ? Coupable ?
Combien de fois l’a-t-elle entendu et sous-entendu ce mot COUPABLE ? Cette phrase : « C’est de ta faute », de la part de ce garçon blond aussi, combien de fois lui a-t-on fais comprendre et même entendre qu’elle était une mauvaise mère.
Cette petite rien de mauvaise mère, a, dans son souvenir quelques rares moments de bonheur, de paix. Oh ! Si rares.
Ceux où elle prenait son petit garçon contre elle, mettait sa petite tête blonde au creux de son épaule et, son petit fermait ses yeux bleus bercé par les pas de danse de sa petite rien de mauvaise maman et le murmure de son chant.
Il aimait que sa maman chante. Elle aimait beaucoup cela, c’était sa passion, ainsi que les livres, la musique, cela lui a permis, lorsque tout s’est cassé et, encore maintenant, de tenir sa tête, son cœur, son esprit hors de l’eau.
Elle, petite rien, lui, petit rien, ils ont partagé et partagent encore cette passion, la musique. Cela permet d’avoir encore un semblant de dialogue au milieu du silence imposé par lui.
Elle vit la peur, l’angoisse, le cauchemar permanent, elle vit aussi la peur, les angoisses, les cauchemars de son garçon, de cet homme, elle sait et voit qu’il est malheureux, si malheureux, elle ne sait quoi faire, elle est si seule, il est si seul.
Au milieu de ce vide, elle souhaite, espère un peu moins de solitude, un peu d’aide à cet homme, qui, malgré sa violence, son agressivité parfois, est, son petit rien blond aux yeux bleus. Il n’est ni tendre ni affectueux, elle l’a été, elle l’est pour deux.
Elle donne, n’attendant rien en retour, pourtant elle voudrait pouvoir donner beaucoup à ce petit garçon de 40 ans, mais elle est si fatiguée, si seule, qu’elle aimerait décharger un peu son fardeau.
Il aimerait, ce petit rien, alléger aussi son lourd fardeau, mais il résiste, il n’est pas « débile » et il se bat contre ses peurs et ses angoisses, seul. Elle se bat aussi cette mauvaise maman et, elle voudrait que, lui, lâche prise.
Quel avenir pour ce petit garçon de 40 ans ? Mon Dieu, quelle angoisse continuelle ! Pourtant, elle aime rire et s’amuser.