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Accompagner le processus de transformation par le maquillage

Accompagner le processus de transformation par le maquillage

Rencontre avec Elise Poinsenot

Elise Poinsenot est artiste peintre à la base. Elle s’intéresse il y a quelques années à l’art-thérapie et c’est en 2007 qu’elle démarre une formation d’art-thérapeute au MAT. Aujourd’hui installée à Allenjoie dans le Doubs, elle accueille à son atelier-cabinet des personnes en quête de sens et en demande d’accompagnement vers un mieux-être. Sa pratique s’étend à diverses institutions où elle intervient auprès d’enfants, d’adolescents ou d’adultes en grande difficulté. A travers ces différents groupes et parfois en individuel, on trouve, dans la boite à outils d’Elise du maquillage.

Elle nous parle aujourd’hui de cette pratique…

Elise, qu’est-ce qui t’a poussée à t’intéresser au maquillage ?

Lors d’une exposition de tableaux fort ennuyeuse, j’ai cherché quelque chose qui puisse m’occuper. Je cherchais du mouvement, j’avais envie de peindre sur un support qui bouge. Tout naturellement j’ai été attirée par le travail sur le corps humain. Alors j’ai exploré les matériaux, les peintures et textures existantes.

Peindre sur des visages, suivre des lignes existantes pour laisser le pinceau me guider, m’a procuré énormément de plaisir. Et les retours des personnes que je peignais parlaient également du plaisir ressenti.

Tu parles de « peinture » et non de « maquillage »

Si le maquillage met en valeur les ombres et les lumières, efface une mauvaise mine, met en valeur un regard, la peinture sur visage est tout autre. Il s’agit là d’utiliser un nouveau support pour en faire quelque chose d’inédit. La recherche de nouvelles surfaces m’a ensuite donné envie de peindre des femmes enceintes ; leur ventre présentant cet espace rond, surface vivante à peindre plus étendue.

J’ai fait dans le même temps beaucoup de recherches et lu des ouvrages sur les différentes techniques et sur la mise en œuvre d’une telle pratique en art-thérapie.

Que fais-tu dans le domaine du maquillage ?

J’ai commencé par énormément m’exercer sur le dos de mon compagnon, au sens littéral du mot, avec l’énorme avantage de pouvoir questionner en direct son ressenti et son vécu. J’ai développé ensuite ma pratique du Body Painting dans le cadre de défilés de mode où la peinture du corps est partie intégrante de la mise en valeur des créations vestimentaires. Le Belly Art – art de mettre en valeur le corps de la femme enceinte par la peinture – m’intéresse également beaucoup. Et puis je peins régulièrement des visages d’enfants lors de manifestations festives. C’est pour eux l’occasion et le plaisir de se faire autre pour ce jour différent. Ils en sont très demandeurs.

Comment intègres-tu le maquillage thérapeutique dans ta pratique d’art-thérapeute?

Dans les ateliers combinatoires, notamment avec les enfants, je mets toujours à disposition du maquillage. Les enfants en difficulté scolaires, souvent dits « inadaptés » en sont très demandeurs. La proposition de maquillage, dans certains cas en individuel, est intéressante également. Le maquillage touche à l’intime de la personne et à sa transformation par maquillages successifs dont on observe très bien l’évolution.

Dans le cadre d’un accompagnement thérapeutique, je n’interviens pas sur le visage des personnes. Je propose le cadre, je mets en conditions avec l’installation du miroir, de l’eau. Ils sont acteurs de leur transformation, j’en suis le témoin. Tout en se peignant, ils se regardent se transformer dans le miroir. En touchant du doigt ou du pinceau leur propre surface intime, ils peuvent ainsi observer, à leur rythme, toutes les étapes de leur changement. Ensuite ils mettent en scène ou pas ce nouveau visage. S’ils le souhaitent nous prenons une photo, puis vient la phase de nettoyage. Il s’agit bien là, avec le maquillage thérapeutique, d’une mise en soin de la personne, d’un soin global. J’accompagne le nettoyage comme le bain du nourrisson et bon nombre d’enfants notamment déposent en mes mains ce fragment de corps. De leur visage transformé j’efface la trace mais la marque de la transformation reste gravée en eux.

Et le travail avec les femmes enceinte?

Dans le cadre du Belly Art, après avoir peint le ventre bien rond d’une future maman, j’ai entendu cette femme me dire: « C’est la première fois dans ma grossesse que je me sens belle. » Cette remarque m’a fait réfléchir au rapport étroit entre cet art là et l’acte thérapeutique. Depuis, je propose un travail bien spécifique pour les femmes enceintes. Bien différent du Belly Art, j’accompagne ici la future maman tout au long de sa grossesse dans son rapport à son corps changeant, dans son lien au petit être qui se meut déjà en elle. Ce travail se fait particulièrement au moyen de la peinture sur corps prodigué par la femme elle-même.

Quels sont tes désirs pour la suite?

J’aimerais continuer à développer cette pratique tout en cherchant ce qui la sous-tend. Nourrie par mon expérience et un grand nombre d’observations dans tous les domaines touchant à la peinture sur corps et au maquillage thérapeutique, je suis en perpétuelle recherche et réflexion sur les effets et les applications de cette médiation dans le cadre de l’art transformationnel. En observant notamment la différence des rapports qu’entretiennent les enfants ou les adultes avec le maquillage, les résistances spécifiques à certaines émergences intimes… Je travaille à l’expérimentation de nouvelles techniques également.

Et puis j’aimerais, riche de ces images récoltées, de ces photos de transformations, proposer un jour une exposition. Comment faire œuvre de quelque chose d’aussi éphémère que le maquillage? Je souhaite proposer, par les photos, un rappel de ces processus de transformation.

Propos recueillis par Anne-Laure LETONDOZ

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