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« Tisser, relier, renouer avec l’action »

« Tisser, relier, renouer avec l’action »

Rencontre avec Françoise POULNOT

Françoise POULNOT est praticienne en psychothérapie et en art thérapie, formée au Mouvement d’Art Thérapeutes. Elle est installée depuis 2006 à Chalon sur Saône (71) dans un cabinet qui est aussi un atelier. Les problématiques rencontrées par les personnes qui viennent la consulter sont plurielles : angoisses, phobies, dépressions, crises existentielles, crises de couple, professionnelles, difficulté dans la fonction parentale … Françoise observe qu’elle est de plus en plus sollicitée par des parents en souffrance qui ne se sentent pas en capacité d’éduquer leurs enfants : « Ils se sentent perdus, submergés par le défi de l’éducation, souvent pris dans une inversion des rôles entre le père et la mère ». Elle se situe alors davantage dans la psychopédagogie.

Elle reçoit également les patients dans des groupes de thérapies et d’art-thérapie. Elle affectionne particulièrement la dynamique du travail en groupe, puissant levier de changement qui intensifie le processus thérapeutique individuel et permet à chaque participant de faire évoluer son identité. 

Françoise, peux-tu nous présenter ton métier ?

Je pratique un métier de liaison au cœur duquel se tient la relation thérapeutique. Il y a dans cette relation quelque chose d’unique qui se tisse lentement, comme se tisse une étoffe précieuse, un brocart, au sein d’un « cabinet » (qui suggère l’idée d’une pièce à l’écart du monde pour mieux  le retrouver). Une fois le lien établi entre le patient et moi même, notre ouvrage consiste à déconstruire les murs érigés de ses résistances au bonheur, pour réaliser des ponts dans sa psyché.  Les ponts qui sont à construire sont ceux qui relient le conscient et l’inconscient, le Soi et l’autre, les multiples parties internes en conflit, la pensée, l’action, les éprouvés et le corps,  le passé et le présent, le présent et son avenir… J’assiste le patient et le soutiens dans ce retour à lui même. Ainsi, le travail thérapeutique relie et crée l’unité souvent éloignée et tant recherchée…

Le patient vient consulter pour résoudre son énigme existentielle, souvent contenue dans une seule phrase qu’il amène lors de la première séance, et qui résume tout le sens à dévoiler par la suite. Cette simple phrase est comme un fil tendu entre la question et sa réponse, et le cheminement s’effectue entre les deux. Il est amené à reconnaître la part de son adaptation défaillante au monde et de modifier sa position. L’ouverture à ma propre faille est aidante pour le patient, j’ai traversé du similaire et je témoigne que la transformation est possible.

Quelles questions te posent ta pratique ?

Chaque personne me renvoie à l’unique façon de travailler avec elle. Il est donc nécessaire de m’interroger sur mes éprouvés en sa présence. Je tente de rejoindre ce qui  taraude le patient, par ce qui me taraude à son écoute, de découvrir quelle est sa « boite noire », laquelle me fait revisiter la mienne, quelle est sa souffrance, ce qu’il produit sur moi et moi sur lui, mais aussi comment je travaille avec lui, comment aider à l’émergence du sens dans ce qu’il dit, ce qu’il vit. Ces questionnements multiples renvoient à ma propre énigme : Pourquoi en suis-je venue à choisir ce métier ? Ce qui revient à me demander en quoi me soigne t-il ? Plus j’élucide ces questions plus je libère la place pour le patient.

Quelle psychothérapeute, quelle art-thérapeute es-tu ? Quelle est ta singularité ?

Avec l’expérience, je m’achemine vers une fonction de « pragmathérapeute ». Bon nombre de patients viennent  consulter car  leur capacité d’action est contrariée. Leur éducation, leur histoire, les traumatismes endurés, les effractions subies, altèrent leur confiance. Nos actions déterminent grandement notre place dans le monde et notre sentiment de lui appartenir. Dépourvus d’action, nous nous sentons extérieurs au monde, lequel alors, se déploie sans nous, nous laissant sur le bord du chemin.

Dans ma façon de travailler il y a  des mises en situation, des retrouvailles avec le fait de réfléchir, de pratiquer, d’accomplir… Je favorise la mobilisation de la volonté vers l’achèvement,  la décision de passer d’un état à un autre, celui de l’arrêt sur image à celui du retour au mouvement et du désir de vivre et de réaliser. Tout  geste, disait le chorégraphe Laban, est un mouvement contre la mort. Il convient de réveiller « l’élan d’action » qui sommeille dans l’âme de la personne.                                  L’action thérapeutique vise la libération de la nature immatérielle de la personne. Toute action devrait partir de « je suis spirituellement », pour se tendre vers « je désire, j’agis et je reçois mon action, j’en récolte les fruits ». Quand l’action est réalisée pour l’action, elle perd de sa substance et ne donne pas de sens.

Quels sont tes rêves, tes projets professionnels ?

Dans une première tranche de vie je fus comédienne et actuellement je pratique le chant. J’envisage de proposer des ateliers théâtre et chant à mes patients, mais aussi  à des personnes qui sont enfermées en prison ou dans les asiles…

« Thérapeute sans frontière » me conviendrait également, intervenir dans des situations d’urgences internationales comme par exemple dans le cas de traumatismes de guerre.        

Propos recueillis par Coralie AMSTAD

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