Le Mouvement d'Art-Thérapeutes Logo horizontal

Documentation

le mat articles

UNIFIER L’ETRE ET L’ART : Regards d’une chercheuse relationnelle

UNIFIER L’ETRE ET L’ART : Regards d’une chercheuse relationnelle

Rencontre avec Coralie Amstad

Coralie Amstad, se présente comme art-thérapeute, tout en ayant suivi une double formation de psychothérapie et d’art-thérapie au M.A.T. ( Mouvement d’Art Thérapeutes). Elle reçoit  à Chambéry en Savoie et à Pontcharra en Isère, des enfants, des adolescents, des adultes et des personnes âgées, en individuel et en groupe. Elle axe de plus en plus sa pratique vers l’art-thérapie. En effet, pour elle, la matière est plus malléable que ne l’est le thérapeute. Le support artistique (terre, peinture, expression corporelle, masque, marionnette …) offre des possibilités de projections multiples et une contenance psychique.

Diverses  attentes, animent les personnes qui viennent la consulter: personnes ayant l’envie de réaliser un travail sur soi en créant, en symbolisant, personnes en difficulté pour communiquer verbalement, artistes souhaitant faire un travail thérapeutique par la création, personnes désirant trouver en elles le lieu de la création.

Comment est né ton désir de devenir art-thérapeute ?

Mon désir d’être art-thérapeute correspond à ma manière d’être au monde : une relation sensible à la nature et à l’art, un parcours personnel …

La rencontre avec le théâtre a été également déterminante. Elle m’a permis de débloquer des freins, de m’ouvrir à l’autre, de découvrir et développer l’imaginaire, l’écoute sensible, la rencontre avec des personnages, avec mon être créateur aussi.

Certaines œuvres d’art m’ont émue, transformée, des pièces de théâtre m’ont chamboulée. L’art est pour moi une mise en mouvement. C’est cette recherche qui m’a animée, celle du mouvement. Œuvrant simultanément dans le domaine socioculturel, la formation professionnelle, le théâtre et la sculpture, l’art-thérapie s’est profilée comme une évidence. J’ai choisi de me former au MAT pour ses différentes approches : poétique, existentielle et analytique.

Tu interviens également dans un service de gérontologie au sein de l’hôpital de Chambéry et tu sembles particulièrement touchée par ces personnes très dépendantes et très éloignées de la relation.

Ces personnes âgées, fréquemment atteintes de démence, alitées, quelque fois sans mot, agressives ou fermées, isolées de leur famille, ne peuvent pas bénéficier des animations proposées au sein du service. L’institution fait appel à l’art-thérapeute pour venir à leur chevet et tenter une approche relationnelle. Se dessine alors une relation art-thérapeutique très personnalisée, qui s’appuie sur ma capacité à aller les chercher « très loin » afin de tenter avec eux un élan vers la création et la relation. Je pars à la recherche de leur espace-temps afin de proposer un dialogue, un mouvement, un sentiment d’existence… Cela demande de me positionner comme une « chercheuse relationnelle ». Une question se pose alors: comment entrer en contact avec des personnes qui certaines fois ne semblent pas pouvoir ou vouloir être en relation ? Dans mes rencontres, j’ai souvent l’image du petit prince de Saint Exupéry. Celui-ci expérimente, invente la relation, puis il doute, dans cette rencontre incertaine, il apprivoise progressivement le renard. L’expérimentation, le jeu, la relation poétique portent mon travail. Le doute, le questionnement sur ma pratique favorisent le mouvement, les échanges, avec d’une part les personnes accompagnées et d’autre part l’équipe soignante.

A partir de quels médiateurs crées tu ce dialogue avec ces personnes qui ne disposent plus de la communication verbale?

J’invente chaque instant ! Cela peut être des odeurs que j’amène qui peuvent déclencher quelques mots, des instruments de musique, un conte que je lis mais aussi que j’imagine en m’inspirant de ce que je perçois des personnes. Certaines personnes semblent animées par les intonations utilisées lors du conte. Les regards s’animent, les yeux s’écarquillent…

A partir d’un récit imaginaire, je peux créer des marionnettes avec la participation des personnes, ce qui permet d’installer une continuité, une contenance, pour ces personnes qui sont souvent dans un vécu de dé-liaison en rapport avec leur pathologie, leur situation familiale et leur isolement. Je laisse ensuite une trace de la création dans leur chambre qui fera lien avec la prochaine séance.

A la suite de chaque séance j’écris. Ces rencontres m’emmènent dans un lieu d’absence de verbalisation, d’absence de lien, de chaos, alors j’ai besoin de retranscrire, relire, faire du lien, puis de restituer des éléments à l’équipe soignante.

A quel endroit et place te sens tu la plus proche ?
Est ce dans ta pratique en cabinet ? Dans cette institution avec ces personnes en carence de lien ?

Étonnamment j’ai l’impression de faire deux métiers qui s’enrichissent l’un et l’autre.

Avec les personnes alitées, dépendantes et sans parole, je crée parce qu’il y a de leur part une grande difficulté à le faire. Je crée à partir ce qu’elles peuvent me communiquer. En cabinet je suis plus effacée, c’est le patient qui est engagé dans le processus de création. Certains patients ne sont pas en capacité d’oser créer seuls. Je crée  alors parfois avec eux. Par le jeu, les personnes osent davantage créer. L’enfant est souvent en demande de co-création avant de faire seul.

Présence et retrait du thérapeute se mesurent en fonction du monde de la personne, de son mouvement et du processus de création. Cette posture implique également que je sois à l’écoute de ce qui se passe pour moi en sa présence, de questionner la façon dont je pose le cadre dans lequel le patient travaille, in fine, de penser ma pratique sous l’angle notamment du transfert/contre transfert.

Comment envisages-tu l’avenir de ta pratique d’art-thérapeute?

En premier lieu, je continue à me former, car j’ai la nécessité professionnelle de questionner, de chercher, de partager ma pratique. Pour cela j’approfondis ma formation en FPP (formation à la psychologie à partir de la  pratique) à l’université Lyon II.

Je souhaite également poursuivre ma formation artistique.

En animant des ateliers d’expression et de création, en groupe de 8 à 10 personnes, j’ai été sensible à l’intérêt que portait le groupe dans le processus de création et de transformation.  A ce jour, mon souhait est de proposer des groupes plus restreints, entre 4 et 6 personnes, afin de favoriser un accompagnement davantage personnalisé.

J’ai également pour objectif, de proposer un groupe expérimental de création. Il offrira la possibilité d’un échange des savoir-faire et savoir-être artistiques, de partages d’expériences concernant le processus de création.

Propos recueillis par Françoise POULNOT

Arrière plan jaune
Arrière plan bleu